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Monster (solo)

Sara Nakao
j'ai autant ma place que vous

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MessageSujet: Monster (solo)
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Monster
Solo

Monstre.
Écho résonnant dans l'immensité de ton esprit troublé. Regard rivé sur tes paumes rougies par tes ongles logés. Jambes pliées, habillées de coupures que jamais tu ne pourras effacer. Les bras protecteurs, à jamais souillés par l'insolence.
Monstre.
Tout chez toi est affront à l'humanité, de tes yeux moqueurs à cette main colorée et déformée que tu serres sans la moindre retenue, seule chose à laquelle tu peux te raccrocher.
Monstre.
Insensible, être à part. Tu ne connais pas la douleur et en même temps, tu ne connais que ça, poupée de porcelaine au cœur de chair.
Monstre.
C'est ainsi qu'ils t'appellent... Alors qu'ils rient... Alors qu'ils frappent... Alors qu'ils deviennent aveugles et sourds...  Alors qu'ils craignent cette différence qu'ils convoitent.
Un cadeau du ciel, ou une punition pour avoir osé naître au mauvais endroit.
Monstre.
Naïveté enfantine, mâture vérité. Les dents serrées, tu ne peux qu'attendre. Attendre ton heure. Celle où tu mourras en leurs donnant raison, ou celle où tu leurs prouveras que tu n'étais qu'humaine...


《 Je suis rentrée. 》 Voix à peine audible. Tu franchis la porte de la salle commune, tes fins doigts glissant dans ta longue et épaisse  chevelure brune légèrement ondulée afin d'y remettre un peu d'ordre. Pour une fois, c'est ta mère  qui t'accueille, tenue légère sur le dos, mains tremblantes. L'espace d'un instant, tu te demandes s'il s'agit de nervosité, ou de quelque chose de plus sérieux. Au final, la réponse, tu la connais. Respiration discrète, regard expressif. Elle te sourit, vient caresser de sa douce main ton visage, son pouce frôlant cette marque jaunie que tu aurais préféré caché. Elle comprend, elle sait. 《 Toi, tu as encore joué à un jeu dangereux. C'est la seule surprise que tu me réserves aujourd'hui ? 》 Honteuse. Tu viens gratter ton avant-bras, tes ongles s'enfonçant dans ta brûlure encore récente. Ta mère soupire et ta culpabilité augmente, te décrochant une grimace à peine voilée. 《 Arrête de faire ça ! Combien de fois faudra-t-il te le répéter ?! 》 Voix sèche. Tu te stoppes net, le regard fuyant. 《 Tu dois faire attention. Prends sur toi et cesse de chercher les ennuis, de faire des bêtises ou que sais-je ?! Est-ce si difficile ? Tes soins coûtent déjà bien assez chers, on n'a pas besoin de ça en plus. 》 Tu le sais. Alors tu ne dis rien. Si seulement tu pouvais... Si seulement tu pouvais mettre tes sentiments sur off, les détruire à jamais, tout serait plus facile. Le monde autour de toi n'existerait plus. Leurs regards - méprisants ou curieux -, leurs paroles - blessantes ou remplies de questions indiscrètes -, leurs gestes - comme si tu n'étais qu'une chose avec laquelle jouer, quelque chose dont on peut tester les presque inatteignables limites. Comme si tu ne te résumait qu'à ça. Ils ne te considèrent pas comme humaine. Quel être humain peut ainsi se mutiler, encaisser des coups, finir à l'hôpital sans broncher ? Tu le sais depuis bien longtemps... depuis que t'es gravement blessée pour la première fois, depuis que le médecin t'a testé, depuis que tu prends le temps de comprendre ton corps ; tu n'es pas comme les autres. Tu ne ressens pas la douleur. Tu mets plus de temps à comprendre certains dangers. Tu n'as même pas la même notion du danger que les autres. Tu ne cesses de te tester, de vouloir comprendre ce corps qui t'a été donné, comme si tu pouvais obtenir la moindre petite réponse. C'est comme ça, Sara, il n'y a rien d'autre à dire. 《 J'ai un client qui va arriver. Va mettre de la pommade sur ta joue, on en discutera plus tard. 》 Elle dépose un baiser sur ton front, protectrice, aimante. Tu le sais, Sara ; elle t'aime mais... Elle te fait douter. Douter que tu vaux la peine. Ici, les femme ne sont que des objets, faites pour le plaisir des homes et, occasionnellement, d'autres femmes. Elles ne sont qu'os et chair, quelque chose dont on se sert avant de les abandonner, les brisant à petit feu sans même qu'elles ne s'en rendent compte. C'est ton univers. Dire que tu te meurs déjà, convoitée pour ta pureté. Ils attendent, le sourire bienveillant mais le regard insistant... Que tu sois en âge, que tu enfiles cette robe blanche pour prendre ce qu'une fille peut avoir de plus précieux en ce lieu. Ils attendent pour y mettre le prix, pour avoir ce semble d'honneur que tu n'aurais pas le choix que de leur offrir. Être comme ta mère... Suivre ta propre route. Sara, tu y penses souvent. Chaque jour qui passe est un jour où tout peut basculer. Tu coûtes cher, on te l'a ancré profondément dans ton esprit, dans ton cœur. Elles donnent tellement pour toi, que tu ne sois pas qu'un bout de chair difforme, pour que tu restes belle... ne serait-ce qu'un peu. Pour que ta vie soit la plus longue possible. Et toi, que peux-tu leur offrir ? À elles, à n'importe qui ? Rien. Tu n'as rien. Tu te meurs, petit à petit, adolescente déjà brisée. Tu n'oses pas rêver, rêver d'une totale liberté, d'un amour réciproque qui pourra te sauver. Tu ne peux compter que sur toi-même, c'est tout ce que tu as compris. Au fond, tu crains déjà de devenir comme ta mère, ne serait-ce que dans une certaine mesure... Opportuniste, profiteuse. Tu ne mérites qu'un semblant de bonheur, car tu prends et tu prendras toujours plus que tu ne donneras. Tu n'as rien à offrir.

Le pas rapide, tu quittes la pièce pour aller dans ta chambre, fermes la ports à clé. Tu t'allonges sans la moindre grâce sur ton lit en désordre, le cœur serré, les yeux brûlant... Mais demain, tu te lèveras avec le sourire, bravera les tempêtes, hargneuse. Car c'est tout ce qui te donne l'impression de vivre...

© Belzébuth



Sara Nakao
Monster (solo) EmptyJeu 2 Juin - 8:19



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